samedi 12 octobre 2013

Le drame de Lampedusa

Les tragédies de l'immigration de ces derniers jours nous révèlent à nouveau à la fois laideur de la désespérance de migrants, l’hypocrisie des hommes politiques et la nécessité pour les peuples africains d’une prise de conscience collective pour penser et agir pour leur devenir.

La désespérance a entamé l'être profond des migrants qui ont perdu tout espoir en l'avenir dans leur pays d'origine. Immigrer c'est pour eux comme mettre leur vie en jeu, parier sur la maigre chance de survie. En effet, pour la plupart d'entre eux, rester chez soi, c'est mourir certainement. C'est soit mourir immédiatement par une balle, un coup de couteau soit mourir progressivement par la faim, la maladie, la soif. Partir en Occident, c'est comme s'accrocher à cette petite chance de survie qui les attends de l'autre côté de la méditerranée, lorsqu'ils auront bravé l'enfer du désert et la fureur de la mer ; survécu à la rapacité des trafiquants qui extorquent tout et à la précarité des embarcations. Pour tous ceux-là qui tiennent à ce brin de vie, rien ne peut les arrêter. C'est pourquoi ces drames à répétitions ne découragent pas les candidats à l'immigration, ni leurs familles qui parfois payent des sommes énormes pour les aider à partir pour une résurrection.

Hypocrisie des hommes politiques européens. En Europe, ils continuent de fermer les yeux sur les causes profondes de l'immigration. La seule façon de voir les immigrés, c'est de les considérer comme des envahisseurs qui viennent perturber la quiétude des européens et accentuer la pauvreté de leurs nations, perturber leurs cultures. Les seules lunettes qu’ils portent est celle qui ne fait voir les immigrés que comme des envahisseurs. Et quand ils portent d’autres lunettes, c'est pour une vision purement utilitaire faisant des immigrés la main d'œuvre et la force de d’invention et de production que quelques-uns représentent. Alors ils choisissent ceux qui peuvent traverser la mer, ceux qui apportent une contribution intellectuelle ou physique. L’expression consacrée d'immigration choisie exprime à merveille cette réalité crue. Dans bon nombre de pays européens, la question d’immigration est et reste l’une des questions de polarisation. La plupart des acteurs politiques font de ce sujet leur projet de société. L’Europe a une phobie des immigrants, phobie bien entretenue par certains de leurs acteurs politiques. Car avec un tel thème construit sur le négatif et sur le sentiment de peur, on peut gagner les élections. Pour régler la question d'immigration, les hommes politiques européens veulent déléguer ou sous-traiter la lutte contre l'immigration aux pays africains eux-mêmes par le renforcement du contrôle à leurs frontières, et par la répression. Ils veulent donner des moyens aux pays de la méditerranée afin que ceux-ci s’occupent de a tâche sale de refoulement des migrants. Mais nous savons tous que cette solution ne marchera pas. En effet rien ne peut empêcher les gens qui ont faim et qui sont exposés à la violence de tenter l'impossible. Les êtres humains sont dotés d'un instant de préservation qu'ils feront tout ce qui est possible pour survivre. En réalité, quand ces politiques de répressions seront mise en place, on réduira temporairement le flot des migrants qui traversent la mer ou qui meurent en mer, mais on augmentera le nombre de cadavres aux frontières africaines et dans les pays d'origine des migrants. Ils ne mourront peut-être pas noyés en mer du fait des embarcations précaires mais ils mourront quand même. Ce sera pour certains dirigeants européens une manière de se dédouaner de la charge émotionnelle que les drames comme celui de Lampedusa les font ressentir pas plus. Il s’agit pour eux de dire : s'ils meurent ailleurs, loin de nos côtes, cela ne nous regarde pas ! Car leurs cadavres ne dérangeront pas nos consciences et nos populations seront tranquilles. Après tout, qui se préoccupe vraiment des millions de morts en République Démocratique du Congo, en RCA ? Ils meurent loin des regards ! À voir les politiques d'immigrations de plus en plus restrictives en Europe, il apparait clairement que l’Europe ne veut en aucun cas devenir la "poubelle" des africains. Et les dirigeants africains n’ont pas besoin d’attendre ce message des européens pour s’attaquer aux causes de l’immigration massive de leurs concitoyens.

Hypocrisie des hommes politiques africains. Ces morts sont le résultat des politiques irrationnelles et non motivées par le désir profond de servir leurs populations. Beaucoup de dirigeants africains sont encore dominés par le désir de se servir. Certains malheureusement sont limités par l'incompétence et par le manque de créativité nécessaire à faire sortir leurs pays du cercle de la pauvreté et des violences tribales. Quand on n’arrive pas à créer les conditions propices au développement, à fournir le nécessaire de base comme la nourriture, l'eau, l'énergie, les soins, l'éducation et la sécurité, la population est placée dans une situation de désespoir total. Le peuple africain en général est un peuple travailleur qui n'attend pas tout de l'état. Les africains veulent entreprendre, créer et produire. N'est-ce pas cette haute capacité à résister qui les a maintenus pendant des millénaires face aux violences de tout genre : esclavage, colonisation et autres ? Si au moins les dirigeants politiques travaillaient à créer la paix et la sécurité, à mettre en place des lois pour réglementer la vie dans les jeunes nations, le peuple africain ne chercherait pas à quitter le continent. J'ai du reste rarement rencontré en Occident un africain qui ne rêve pas de repartir chez lui et qui n'a pas le mal de son pays. Ils restent ailleurs pour survivre.

Mais ce drame est aussi un message de plus destiné à chaque africain. Au fond, n’y aurait-il pas un temps où la conscience collective doit se réveiller et se dresser pour la prise en mains du présent et de l’avenir de l’Afrique ? En restant otages de leurs dirigeants, les africains perdent le privilège et la chance d’amorcer une transformation radicale de leur continent. Car le devenir de l’Afrique n’est pas inscrit en Occident mais dans nos mémoires individuelles et collectives. C’est à nous tous de traduire ce devenir de nos mémoires en réalité concrètes grâce à un type nouveau de sacrifice. Les peuples consentent beaucoup de sacrifice mais le type de sacrifice qui est demandé est différent. Il s’agit du sacrifice de la femelle du calao en période de disette ouvre de son bec son abdomen, en extrait de sa chair pour en donner à ses petits pour qu’ils survivent. C’est ce type de sacrifice dont nous avons besoin afin de se libérer de la situation d’otage dans laquelle nous sommes pris afin d’instaurer un espace de paix et de justice, nécessaire à la créativité, à la production et à l’épanouissement.

Daniel Bourdanné

1 commentaire:

Unknown a dit…

Très édifiant!